Mémorandum de la Fédération belge des Négociants en Combustibles et Carburants

3 octobre 2023
Vincent Orts

Dans la perspective des élections européennes, fédérales et régionales du 9 juin 2024, la Fédération belge des Négociants en Combustibles et Carburants (BRAFCO) appelle les partis politiques et leurs candidats aux élections à engager des consultations constructives avec le secteur afin de concevoir une politique énergétique et de mobilité équilibrée soutenue par tous.

C’est dans cet esprit que la Fédération formule les quelques recommandations politiques exposées ci-dessous.

  1. Une transition énergétique réaliste et abordable fondée sur la neutralité technologique

Si la Belgique – et par extension l'Europe – veut devenir climatiquement neutre d'ici 2050, il est fortement recommandé de ne pas exclure a priori toute technologie pouvant contribuer à réduire les émissions de CO2. Le mix énergétique doit intégrer toutes les solutions d'énergie renouvelable.

S'appuyer uniquement sur l'électrification – tant pour les transports que pour le chauffage des bâtiments – entraîne des coûts inutiles pour les consommateurs tant que la production d'électricité n'est pas durable à 100%. En outre, la question se pose de savoir si l'offre d'électricité « verte » sera suffisante pour répondre à la demande massive de ce vecteur énergétique et si le réseau peut supporter cette charge supplémentaire. Par ailleurs, et c'est tout aussi important, de tels choix politiques compromettent la sécurité de l'approvisionnement énergétique et encouragent la dépendance énergétique à l’égard de pays tiers. La Chine, par exemple, représente 93% de la production mondiale des aimants et des métaux à base de terres rares qui les composent et qui sont essentiels à la production de véhicules électriques et de turbines éoliennes. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de voir le marché mondial inondé de voitures électriques chinoises bon marché. L'avenir nous dira quel impact cela aura sur l'industrie automobile européenne et, en fin de compte, sur notre prospérité, mais cela n'augure rien de bon. 

Pour ces raisons, une politique énergétique technologiquement neutre n'est pas une option mais une nécessité. Les décisions politiques doivent bien sûr être basées sur les émissions de CO2 des vecteurs énergétiques, mais celles-ci doivent être mesurées sur l'ensemble de leur cycle de vie (« du puits à la roue »), et pas seulement au moment où les vecteurs énergétiques sont utilisés, ce qui est malheureusement souvent la règle aujourd'hui, excluant ainsi certaines technologies telles que les moteurs à combustion. L'impact socio-économique des mesures politiques à prendre devrait également être examiné avant leur mise en œuvre.

Une politique énergétique technologiquement neutre doit se traduire notamment par les mesures concrètes suivantes :

  • supprimer l'interdiction d'installer des chaudières à mazout, étant donné que ces appareils peuvent également fonctionner avec des combustibles liquides à faible teneur en carbone et que leur impact sur le climat, mesuré sur l'ensemble du cycle de vie du combustible, n'est pas plus important que celui des chaudières au gaz naturel ;
  • soutenir le remplacement des anciennes chaudières énergivores par des systèmes de chauffage hybrides et des chaudières à haut rendement lorsque les pompes à chaleur seules ne sont pas vraiment envisageables ;
  • octroyer des incitants fiscaux pour les combustibles liquides de chauffage et pour les carburants à faible teneur en carbone (biocarburants, HVO, carburants de synthèse...), par la réduction des droits d'accises au niveau minimum européen, entre autres ;
  • abandonner la « surrèglementation » qui vise à accélérer le retrait progressif de la vente de voitures à moteur à combustion et la remplacer par la possibilité d'autoriser la vente de nouvelles voitures à moteur thermique alimentées par des carburants à faible teneur en carbone même après 2035 ;
  • autoriser un large éventail de biocarburants (avancés) et de carburants renouvelables d'origine non biologique dans le Plan national énergie-climat (PNEC) ;
  • lors de la transposition de la directive RED III, offrir une flexibilité maximale aux entrepositaires agréés pour qu’ils puissent répondre aux ambitions plus élevées de l'Europe en matière d'énergie renouvelable.

2.   Contrat programme

À l’exception du Luxembourg, la Belgique est le seul pays de l’Union européenne où les produits pétroliers sont soumis à des prix maximums officiels. Ces prix maximums sont calculés sur la base de la formule structurelle mentionnée dans l’Annexe technique du Contrat programme, qui a été modifiée à diverses reprises au fil des ans.

Bien que le Contrat programme, qui trouve son origine dans la première crise pétrolière, au début des années 1970, ait à l’époque prouvé son utilité, il a été souvent critiqué, y compris hors du secteur. Dès 1991, un éminent professeur en économie à la KU Leuven déclarait : « Il est temps que les autorités belges suppriment l’instrument obsolète de contrôle des prix dans le secteur pétrolier… » Par ailleurs, l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) a également réitéré à plusieurs reprises sa recommandation, déjà formulée en 2009, d’abolir « purement et simplement » le Contrat programme. Malgré ces critiques externes, le Contrat programme est toujours en vigueur après plus de 50 ans. Son abolition – et la suppression des prix maximums officiels des produits pétroliers qui l'accompagne – est manifestement un sujet politiquement plus sensible que la libéralisation du prix du pain mise en œuvre le 1er juillet 2004 sous, soit dit en passant, une coalition violette. 

L'opposition – principalement idéologique – à l'abolition du Contrat programme est battue en brèche par la réalité du terrain qui démontre le caractère dépassé et peu démocratique du système :

  • Brafco, en tant qu'organisation sectorielle représentative, ne peut pas participer directement aux discussions/négociations sur le contenu du Contrat programme, bien que ses membres soient liés par celui-ci ;
  • la seule fédération sectorielle qui négocie et signe le Contrat programme directement avec le gouvernement n'est pas représentative de l'ensemble du secteur, ce qui l'oblige à prendre position sur des matières et des produits qui ne sont pas proposés par ses propres membres (cf. calcul des marges de distribution pour le gaz propane et le fioul lourd) ;
  • la complexité croissante de l'intégration de l'énergie provenant de sources renouvelables dans les carburants fossiles (transposition de RED II et III) et l'absence de cotations de marché pour nombre de ces composants renouvelables ne permettent pas de calculer des prix maximums basés sur le marché pour ces nouveaux carburants.

Pour ces raisons, il est souhaitable d'abolir le Contrat programme et le système de prix maximums qui y est associé. Cela permettra également de créer des conditions de concurrence équitables vis-à-vis des autres vecteurs énergétiques qui ne sont pas soumis à des prix maximums (tels que le CNG, le LNG, l'électricité via des stations de recharge publiques…)

Tant que le Contrat programme n’est pas aboli, Brafco devrait être directement impliquée dans les discussions sur tous les sujets du Contrat programme qui concernent ses membres. Par ailleurs, à court terme, la notion de « prix maximums » devrait céder la place à celle de « prix indicatifs », que le SPF Économie pourrait continuer à calculer pour les produits pétroliers les plus courants sur la base de la formule structurelle. 

Enfin, dans l'attente de l'abolition du Contrat programme, un certain nombre d'ajustements techniques s’imposent à court terme, notamment :

  • l'introduction d'un prix indicatif distinct pour les mélanges de gasoil de chauffage avec 33% de combustibles renouvelables (« R33 ») ;
  • la suppression du facteur K qui, une fois activé (c.-à-d. valeur > 1,2), est contre-productif et menace l'approvisionnement des consommateurs (les prix d'achat des négociants en combustibles et des exploitants de stations-service sont souvent plus élevés que les prix maximums à respecter dans ces circonstances).

 

3.   Une politique de mobilité qui prend en compte les secteurs qui livrent ou chargent des produits dans les centres-villes et les centres ruraux

Afin d'éviter que les entreprises effectuant des transports de distribution locale (comme les négociants en combustibles et carburants) ne doivent faire de grands détours pour se rendre à la destination suivante, il convient de remplacer, dans la mesure du possible, les panneaux d'interdiction C21 et C23 par le panneau d'interdiction C25.

Les limitations de tonnage devraient également être évitées là où elles ne sont pas nécessaires et où elles obligent les chauffeurs de camions à faire de grands détours, car cela entraîne d'autres effets négatifs.

Pour pouvoir continuer à approvisionner les ménages et les entreprises dans les zones à faibles émissions (LEZ) à l'avenir, les véhicules (camions) équipés de moteurs à combustion répondant à la norme Euro6d devraient également être autorisés dans les LEZ après 2030.

4. Une adaptation judicieuse du code la route

Il serait préférable de faire passer de 60 à 70 km/h la limite de vitesse pour les véhicules d’une MTM de plus de 7,5 tonnes en dehors des agglomérations. Ainsi, les autres usagers de la route autorisés à circuler sur ces routes à une vitesse de 70 km/h ne seront pas tentés de doubler, ce qui améliorera la sécurité.

En vertu de l'article 48bis1 du code de la route, les véhicules transportant des marchandises dangereuses au sens de la Convention européenne relative au transport international des marchandises dangereuses par route (A.D.R.) doivent emprunter les autoroutes, sauf en cas de nécessité. Dans la pratique, cela oblige les distributeurs de combustibles et carburants à faire des détours importants dans certains cas. Une exemption de cette obligation pour les véhicules transportant des marchandises dangereuses « présentant un danger moindre » (groupe d'emballage III), comme le mazout et le diesel, permettrait d'éviter cette situation.

5.   Une politique favorable aux entreprises à tous les niveaux de pouvoir

Les entreprises ont besoin de sécurité juridique, de réglementations non discriminatoires, de procédures d'autorisation simples et rapides et d'une charge administrative réduite. Un gouvernement efficace doit créer un cadre favorable aux entreprises dans tous ses domaines de compétence en tenant compte, entre autres, des observations et des recommandations formulées par les organisations sectorielles.